Cette nuit j'ai rêvé

[Attention : pensées sombres, rêves violents]



Cette nuit, j’ai rêvé de toi. Et nous étions dans un monde isolé et parfait.

Allongée, ma tête dans le creux de ton torse, ma peau contre la tienne, j’entendais ton cœur battre, d’un rythme apaisé qui avait le pouvoir de m’apaiser moi-même. Je ne savais plus de quoi avait été composée ma journée. Je ne pensais plus à rien, mis à part à nous deux, à notre petit monde à l’écart de tous les problèmes.

 

Puis la sonnerie du réveil a retenti comme une alarme incendie, envolant en fumée tout ce beau tableau d’un battement de cils. Mon lit était petit, vide, froid, seul. Sans toi. J’ai soupiré. La journée allait encore être longue. J’allais me préparer pour les cours, m’installer en classe, et t’observer de loin d’un œil distrait. La prof allait me ramener sur terre en jetant une craie dans ma direction et la rougeur s’emparerait de mon visage. J’allais ensuite manger avec mes amis en regrettant de ne pas faire un pas vers toi. J’allais rentrer chez moi avec la sensation d’avoir passé une journée comme les autres, sans surprise et avec des regrets plein la tête.

 

Cette nuit, j’ai rêvé de toi. Et tu me disais d’arrêter de t’aimer bêtement.

 

Tu avais des yeux rouges, tel un drogué. Tu m’en voulais au point de vouloir me voir par terre avec un couteau dans le ventre. Tu m’as prise par les épaules pour me secouer violemment en me criant que je ne devais pas t’aimer autant, que rien n’était réciproque, que notre monde n’existait pas.

 

Le réveil m’a sorti de l’angoisse qui me tenaillait. Mon lit semblait humide à cause de ma transpiration. J’avais presque envie d’aller m’excuser auprès de toi, cela ne servait à rien de t’aimer. Mais c’était plus fort que moi. J’ai soupiré. Ma journée allait commencer par le cours où tu te trouvais à côté de moi, par pure hasard. J’allais m’en ronger les ongles à sang, de peur de me montrer sous un mauvais angle, de dire un mot de travers. J’allais t’observer à la cantine avec la sensation d’être une espionne malsaine. J’allais penser à toi sans arrêt durant le trajet en bus, et même une fois de retour à la maison.

 

Cette nuit, j’ai rêvé de toi. Et tu m’enfermais dans une cage.

 

Tu me disais que je ne valais pas mieux qu’un fou que l’on doit attacher au mur. Car la folie m’avait prise, je t’aimais tellement que mon esprit débordait de toi. Et tu en avais marre de moi, de mes yeux qui te scrutaient sans relâche, jour et nuit. Tu voulais la paix, tu voulais me tuer. Tu voulais me pendre au plafond de la petite cage.

 

Je me suis éveillée en sursaut. Le froid présent dans ma chambre m’a fait l’effet d’une claque. J’avais peur. Je me suis forcée à soupirer lentement. La journée s’annonçait comme toutes les autres. Toi. Toi. Toi. Et moi qui m’en mords les doigts, moi qui m’inquiète de mon apparence et moi qui tente de t’observer sans croiser ton regard. Je savais que la situation était critique. Je savais que le mal était là, à me guetter. L’amour que j’avais pour toi n’avait aucun sens depuis le début et mes remords me tuaient à petit feu.

 

Cette nuit, je n’ai pas rêvé de toi. Je n’ai pas dormi.

 

Je n’osais plus fermer l’œil, de peur de rêver pire encore à ton propos. La situation avait assez duré, je n’en pouvais plus. L’amour que j’éprouvais, qui m’éprouvait, avait viré à la névrose. Et je ne savais pas comment agir pour m’en sortir.

 

Lorsque le réveil s’enclencha, j’étais déjà debout, terminant de rédiger une lettre. Pour toi. J’ai soupiré, tentant d’apaiser le rythme fou de mes battements de cœur. Cette journée ne serait pas comme les autres. Je viendrais vers toi, tremblante, hésitante, brûlante. Je te tendrais la lettre et fondrais en larme tout en m’enfuyant de la classe. Je partirais le plus loin possible tandis que tu prendrais connaissance de mon amour pour toi. Mais tu prendrais conscience au même instant que cet amour est impossible, qu’il en serait presque malsain. Alors tu cacherais mes mots et tâcherais de les oublier, du mieux  possible. Mais dans mon cœur, un poids lourd comme une pierre se serait détaché de moi. L’amour allait s’envoler et la vie allait continuer.


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