Partons en voyage
Pour mon voyage, je prévois quelques
affaires : un crayon et mon carnet d'aventurier dans le cas où je trouverais un
message à décoder ou si je dois écrire un plaque de voiture suspecte, mes
jumelles couleur kaki pour voir loin (ça vous le savez, je sais, mais en vrai
ça peut servir aussi pour regarder la télé des voisins), mon lance-pierre pour
tuer les intrus et ma carte du monde dessinée par mes soins pour ne pas me
perdre (pour l'instant je n'ai dessiné que le jardin, mais il est très détaillé
et maman a dit que j'étais un artiste accompli, et ça c'est cool, même si je ne
sais pas ce que veut dire accompli).
Mon sac à dos tortue ninja sur le dos,
me voilà prêt à affronter les monstres de la nuit. Je m'assieds sur le rebord
de la fenêtre et respire l'odeur de l'été, parce que toutes les saisons ont
leur propre odeur, je ne sais pas si vous le saviez. L'été est mon odeur
préférée. J'écris dans mon carnet la température qu'il fait environ et
l'emplacement de la lune, parce que je ne sais pas, ce sera peut-être utile.
Elle se situe à ma droite au dessus du grand sapin du fond du jardin.
D'ailleurs, je décide que c'est à cet endroit précis que je vais me rendre en
premier lieu afin d'observer mon itinéraire de plus haut. Pour un aventurier,
il est important d'établir un plan précis, retenez bien ça. L'épreuve sera de
ne pas me faire repérer par maman qui se trouve sûrement dans la cuisine à
faire la vaisselle. Si je ne devais pas partir, j'irais faire des grosses
bulles avec mes mains grâce au savon de vaisselle, vous avez déjà essayé, une
énorme bulle entre vos doigts ? C'est géant. Bref. Je ne peux pas. Je dois
partir à l'aventure car le devoir m'appelle, mes amis. Je m'élance sur la
tonnelle et saute à terre avec la souplesse et l'élégance d'un félin.
Comme je suis pieds nus, je sens
l'herbe froide sous mes pieds et cette sensation me fait sourire parce que ça
me rappelle la fois où papa et moi jouions à s'arroser en short dans l'herbe
pour rire. On remplissait des petits seaux et on essayait de les vider sur
l'autre. Papa était plus grand que moi donc c'était la triche. Mais je rigolais
presque à en faire pipi dans mon short.
Je rampe sur l'herbe comme un lézard
en chantonnant la chanson de James Bond, parce que je sais que maman n'entend
pas de l'intérieur de la maison et que ça me met dans l'ambiance. Parce que
vous savez, pour réussir le voyage, il faut être dans l'ambiance à fond. Moi je
ne pars pas en voyage sans plonger dans l'ambiance à fond. Vous devriez faire
pareil.
Soudain, j'entends la porte de la
maison s'ouvrir. Je ne peux pas tourner la tête pour regarder, mais j'entends
maman s'avancer sur le bord de la terrasse sans rien dire. Moi je ne bouge plus
d'un poil évidemment, j'attends patiemment que la guêpe s'en aille, c'est la
meilleure des solutions dans une telle situation. Elle marche d'un pas lent
jusque l'herbe, puis jusqu'à moi, et s'arrête juste en face de ma tête. Je
soulève alors les yeux vers elle et lui souris. Elle me sourit aussi.
"Très bien, tu
rangeras ta chambre demain. Viens te coucher mon ange, tu continueras ton
voyage dans tes rêves."
Je la suis dans la cuisine et nous faisons une grande bulle, puis je saute dans mon lit en laissant la fenêtre grande ouverte. Une fois sûr d'être bien seul, je note dans mon carnet : "Voyage de 20 heures échoué, prochain départ ce soir à minuit!"
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