Regarde-moi...
Cette
fois fut la pire de toutes ses visites nocturnes. Alors que mon cœur battait à
tout rompre, le souffle habituel s’accompagna d’un murmure presque inaudible.
Regarde-moi…
Ces
mots déclenchèrent en moi un brusque élan de terreur. Saisie d’une décharge
d’adrénaline, je jetai la couverture à mes pieds et me levai à la hâte pour me
précipiter dans la cage d’escalier et sortir de la maison en courant à toutes
jambes. Il me suffit de traverser la route pour me retrouver plongée dans
l’obscurité de la forêt. Mon corps tout entier hurlait d’effroi mais ma voix
restait muette. Et s’IL m’avait suivie ? Je n’osais pas me retourner, de
peur de croiser son regard que j’imaginais pervers et assassin. Je devais
continuer à courir, malgré le froid qui engourdissait mes pieds nus. Ma courte
robe de nuit me donnait l’impression de ne rien porter du tout. Je me sentais
prise dans un de ces cauchemars où vos jambes sont trop lourdes pour vous faire
avancer et où votre ennemi est toujours derrière vous à crier votre nom.
Toujours plus proche, toujours plus proche, toujours plus proche…
Je
tombai de tout mon poids en avant, à cause d'une épaisse racine qui dépassait
du sol et mon genou fut écorché par une pierre enfoncée à moitié dans la terre.
Je me relevai avec peine et fis un pas, mais d’inquiétantes étoiles dans mes
yeux se manifestèrent et ma vue se brouilla complètement.
Regarde-moi…
Mon
estomac fut retourné d’un coup. IL se tenait derrière moi, prêt à bondir sur sa
proie. Mon corps se retrouvait de nouveau paralysé par la terreur. Je parvins à
m’accroupir et à rentrer ma tête entre mes genoux.
Regarde-moi… Regarde-moi… Regarde-moi…
J’eus
soudain la désagréable impression que mon ennemi n’était plus seul à vouloir me
harceler. Au nombre de trois ou quatre, ils tournaient maintenant autour de mon
petit corps recroquevillé. Mon état de panique avait atteint son paroxysme. Ne
sachant pas comment échapper à ce cauchemar, je me mis à émettre des sons aigus
et dissonants tout en me balançant légèrement d’avant en arrière. J’augmentai
progressivement le volume de ma voix afin de couvrir les bruits de pas et de
murmures qui me torturaient. Je comprimais mes oreilles entre mes mains le plus
fort possible. Bientôt, les sons qui sortaient de ma bouche devinrent des cris stridents
et hachés. Mais mes tentatives aggravaient la situation car plus je produisais
de bruit, plus les murmures augmentaient et plus les pas martelaient le sol. Le
cercle qu’ils formaient autour de moi se rétrécissait de plus en plus.
J’étouffais. Je hurlais des notes au hasard, sans m’arrêter.
Soudain,
je m’immobilisai. Le silence était revenu, d’un seul coup. Une lampe de poche
avançait vers moi. Je sentis ma mère me prendre par les épaules pour me forcer
à me remettre debout. Mes parents m’entourèrent de leur bras réconfortants. Une
grande inquiétude se lisait sur leur visage. A mon plus grand soulagement, les
persécuteurs avaient donc fui à leur arrivée. Le calme retrouvé me permit de
relâcher toute la pression et de me laisser pleurer sans retenue. Ils me
raccompagnèrent jusqu’à ma chambre et restèrent un moment à chuchoter derrière
ma porte. A nouveau seule dans mon lit, j’eus le sentiment que l’affection de
mes parents ne vaincrait jamais l’emprise de ces inconnus… Aidez-moi.
Commentaires
Enregistrer un commentaire