Sans raison




Monsieur vient sonner à la porte de Mademoiselle...










Monsieur : Madame ?

Mademoiselle : Mademoiselle.

 

Monsieur : Non, moi c’est monsieur.

 

Mademoiselle : Oh oui bien sûr, je sais. Je disais juste que vous pouviez dire mademoiselle et pas madame pour moi.

 

Monsieur : Ah d’accord, j’ai eu peur.

 

Mademoiselle : Oui, ne vous en faites pas, vous n’avez pas l’air d’une femme du tout.

 

Monsieur : Ah, tant mieux.

 

(Long silence)

 

Mademoiselle : Eh bien donc, pourquoi avez-vous sonné à ma porte au juste ?

 

Monsieur : Oh oui c’est vrai, je suis venu sonner à votre porte !

 

Mademoiselle : Dites-moi donc pourquoi.

 

Monsieur : Pourquoi ?

 

Mademoiselle : Oui, pourquoi ?

 

Monsieur : En fait, je ne sais pas trop.

 

Mademoiselle : Ah bon ? Il doit bien y avoir une raison, non ?

 

Monsieur : Oui sûrement… Euh, non vraiment, je ne vois pas.

 

Mademoiselle : Oh… Euh… Alors que fait-on ?

 

Monsieur : Je ne sais pas. Vous me laissez entrer ?

 

Mademoiselle : Pourquoi je vous laisserais entrer ?

 

Monsieur : Je ne sais pas.

 

Mademoiselle : On se connait ?

 

Monsieur : Non. Si ?

 

Mademoiselle : Non.

 

Monsieur : J’aimerais vous connaitre.

 

Mademoiselle : Ah ?

 

Monsieur : Oui, j’aimerais beaucoup.

 

Mademoiselle : Pourquoi ?

 

Monsieur : Je ne sais pas. Vous n’avez pas envie de me connaitre, vous ?

 

Mademoiselle : … Si, bien-sûr.

 

Monsieur : Et vous savez pourquoi ?

 

Mademoiselle : … Non c’est vrai, je ne sais pas pourquoi.

 

Monsieur : Voilà, moi c’est pareil. C’est quand même curieux.

 

Mademoiselle : Oui, très curieux.

 

(Long silence)

 

Mademoiselle : Voulez-vous entrer ?

 

Monsieur : Comme vous voulez.

 

Mademoiselle : Moi je veux bien.

 

Monsieur : C’est gentil.

 

Mademoiselle : Installez-vous au salon, je vais faire du café.

 

Monsieur : Je n’aime pas le café.

 

Mademoiselle : Même froid ?

 

Monsieur : Ah si, je veux bien du café froid.

 

Mademoiselle : Je reviens, soyez sage.

 

Monsieur : Bon d’accord.

 

(Deux minutes plus tard)

 

Mademoiselle : Voilà. Par contre, ne buvez pas tout de suite. Il faut le temps que ça refroidisse.

 

Monsieur : Et vous, vous n’en prenez pas ?

 

Mademoiselle : Je n’aime pas le café froid.

 

Monsieur : Vous pouvez boire le mien tout de suite si vous voulez.

 

Mademoiselle : Non merci, je ne veux pas boire alors que vous ne buvez pas.

 

Monsieur : Ah, d’accord.

 

(Long silence)

 

Mademoiselle : Vous n’avez rien à dire ?

 

Monsieur : Non.

 

Mademoiselle : Ce n’est pas grave.

 

Monsieur : Ah si. Est-ce que je peux vous dire que vous êtes très jolie ?

 

Mademoiselle : Oh oui, vous pouvez.

 

Monsieur : Vous êtes très jolie.

 

Mademoiselle : C’est très gentil. Si vous avez d’autres choses à dire comme ça, n’hésitez pas.

 

Monsieur : Je n’ai rien d’autre à dire.

 

Mademoiselle : Oh… Ce n’est pas grave.

 

Monsieur : Mon café a-t-il refroidi ?

 

Mademoiselle : Laissez-moi goûter… Non, il est encore chaud.

 

Monsieur : Etes-vous célibataire ?

 

Mademoiselle : Oui pourquoi ?

 

Monsieur : Parce que moi aussi.

 

Mademoiselle : Et alors ?

 

Monsieur : Alors, je ne vais pas vous le dire, hein, mais je m’imagine très bien vivre avec vous.

 

Mademoiselle : Vous venez pourtant de me le dire, non ?

 

Monsieur : Oh, oui, j’avais très envie de vous le dire, au fond.

 

Mademoiselle : Pourquoi voulez-vous vivre avec moi ?

 

Monsieur : Je ne sais pas. On ne contrôle pas toujours bien ses envies… Vous ne pensez pas ?

 

Mademoiselle : Si c’est vrai. Moi par exemple, j’ai très envie de boire votre café.

 

Monsieur : Mais je vous ai dit que vous pouviez boire le mien. Franchement, ne vous gênez pas.

 

Mademoiselle : Non, vraiment merci, mais je préfère me retenir.

 

Monsieur : Vous préférez aussi que je me retienne de venir vivre avec vous ?

 

Mademoiselle : Je ne sais pas. Vous pensez que c’est bien de vivre à deux ?

 

Monsieur : Je ne sais pas, je n’ai jamais essayé.

 

Mademoiselle : Ça me fait un peu peur, tout ça…

 

Monsieur : Qui ne tente rien n’a rien, comme on dit.

 

Mademoiselle : Disons qui ne tente rien n’a pas plus. Parce que moi, il me semble déjà avoir assez. Regardez…

 

Monsieur : C’est vrai. Mais vous n’avez pas envie d’avoir plus ?

 

Mademoiselle : Pourquoi avoir plus quand on est déjà bien avec ce qu’on a ?

 

Monsieur : C’est vrai aussi. Vous ne vous sentez jamais seule dans votre maison ?

 

Mademoiselle : Si, souvent. C’est dommage quand même.

 

Monsieur : Oui, très dommage.

 

Mademoiselle : Voulez-vous venir vivre avec moi ?

 

Monsieur : Comme vous voulez.

 

Mademoiselle : Moi je veux bien.

 

Monsieur : C’est gentil.

 

Mademoiselle : Mais je ne veux rien de plus.

 

Monsieur : D’accord.

 

Mademoiselle : Ah, c’est chouette. Avec vous, tout est simple.

 

Monsieur : Vous trouvez ?

 

Mademoiselle : Oui. Mais il y a quand même un problème…

 

Monsieur : Ah ?

 

Mademoiselle : Oui, si vous venez vivre avec moi, plus personne ne viendra sonner à ma porte sans raison.

 

Monsieur : C’est grave ?

 

Mademoiselle : Oui, j’aime quand on vient sonner à ma porte sans raison.

 

Monsieur : Mince. Alors que fait-on ?

 

Mademoiselle : Je ne sais pas, je suis très embêtée…

 

Monsieur : Bon, écoutez, ce n’est rien. Je ne vais pas vivre avec vous alors. Mais je viendrai sonner de temps en temps sans raison.

 

Mademoiselle : D’accord. Ah tout s’arrange ! C’est magnifique. En plus, votre café est froid à présent.

 

Monsieur : Vous le voulez ?

 

Mademoiselle : Oui, merci.

 

Monsieur : Je vais m’en aller.

 

Mademoiselle : Beurk, le café froid ce n’est vraiment pas bon.

 

Monsieur : Au revoir madame.

 

Mademoiselle : Mademoiselle.

 

Monsieur : Ah oui, vous ?

 

Mademoiselle : Oui, moi, pas vous.

 

Monsieur : Très bien. Merci pour le café.

 

Mademoiselle : De rien. A demain monsieur.


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