L'ennui



Allongée sur mon lit, je regarde le plafond blanc de ma chambre. Je ressens comme un genre de mal de ventre… Ce mal qui survient lorsque l’ennui me fait transpirer, qu’il me prend aux tripes… Comme si j’en avais trop mangé, comme si j’avais besoin de vomir du vide…

 

Ce vide… Mon esprit est aussi vide qu’un grand lac asséché. Et je m’imagine marcher dans cette étendue à deux mètres en dessous du sol. La terre est jaune, les algues ressemblent à de la paille. Des cadavres d’amphibiens, de petits poissons et de larves d’insectes recouvrent le sol. Comme si l’eau était partie d’un coup. C’est vrai, ce matin, l’eau abondait dans le grand lac. Mon copain n’était pas encore parti, le déjeuner était copieusement délicieux, j’avais des projets… Mais soudain, j’avais perdu toute ambition. Le silence venait de prendre une place trop importante dans l’appartement.

 

Ce silence… Digne d’une immense cathédrale. Où les pas résonnent timidement, où les murmures se dissipent dans le calme divin… Je m’imagine assise sur une des chaises inconfortables de cette grande bâtisse, mes yeux se promenant sur chaque fresque et chaque monument. Je ne me sens pas à l’aise… Le silence s’installe et se prolonge à l’infini, il ouvre la porte à des milliers de mauvaises pensées qui entrent sans gêne et se fracassent aux murs sans un bruit.

 

Ces pensées… Elles ne s’arrêtent pas de tourner autour de moi, comme des mouches autour d’un cadavre. J’essaie de les chasser… Mais je m’imagine couchée  au milieu d’une route déserte et je ne peux pas les faire partir. Je m’imagine morte. Incapable du moindre mouvement. Coupée dans mon souffle par une force plus forte que tout. Je ne peux que me rendre compte que les mouches sont de plus en plus nombreuses, à me voler des bouts de chair. Je suis seule et j’ai peur. Ma mère me manque profondément et mon copain est parti. Je sais que je devrais trouver une occupation pour que mon cerveau arrête de se perdre, mais je n’y arrive pas, je n’ai envie de rien. La mauvaise humeur et le chagrin me clouent aux draps.

 

Ce chagrin… Il me ballote dans tous les sens, il bouscule mon petit bateau fragile. Je m’imagine face à ces vagues au milieu de l’océan agité, je donne de la force pour manœuvrer ma barque sans qu’elle se retourne face à la force du vent. Mais je tombe à l’eau et je tente de me maintenir à la surface, même si mes membres s’engourdissent à cause du froid. Je ne peux pas me noyer, ma vie est pourtant belle, je n’arrive pas à comprendre d’où vient ce mal-être si profond.

Je laisse le chagrin m’emporter loin, vers une plage inexplorée peut-être. Je me lève de mon lit et je hurle toutes ces pensées qui me tordent la tête. Je brise ce silence si oppressant pour moi, et tant pis pour les voisins. J’ouvre la fenêtre pour m’aérer l’esprit, et l’air frais m’apaise quelque peu. Une odeur d’après pluie me fait penser à ces doux matins pluvieux à la mer avec ma mère. Et elle me transporte.

 

Cette odeur…

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